De l'origine des premiers stéréotypes ...
Nous comptons dans les albums pour enfants, deux fois plus de héros que d'héroïnes et dix fois plus, lorsque les personnages sont des animaux "humanisés". Les filles continuent d'être surreprésentées dans des activités à la maison, secondant à l'occasion leur maman dans des tâches maternantes ou domestiques. A l'opposé, les petits garçons s'activent avec des copains à l'extérieur. Ils y font des bêtises ou du sport. Aujourd’hui, malgré l’engagement de plusieurs éditeurs jeunesse, ces stéréotypes ont la peau dure. En effet, difficile de remettre en cause des faits établis depuis des siècles et qui résident dans une conception traditionnelle de la littérature pour enfant (la fille est une princesse et le garçon un chevalier). De plus, les éditeurs usent de cet attachement au traditionnel (souvent des parents) à des fins commerciales.
Extirper les fille du rose... pas facile !
Outre la littérature, nombreuses sont les institutions qui contribuent au renforcement des traditionnels schémas en matière de genre. Dans les médias, les femmes sont essentiellement présentées comme des objets d'action publique, comme des victimes et des personnes investies dans le soin des autres. L'image donnée des hommes en revanche, est généralement celle de personnes créatives, fortes, intelligentes et pleines d'initiatives. Si à propos des hommes les médias mettent en avant leur puissance et leurs réalisations, ils privilégient chez les femmes, même les plus accomplies, l'apparence, qui reste les concernant, le premier critère d'évaluation. Ainsi la télévision, la radio, les manuels scolaires, les livres pour enfant, les films, les jouets et quantité d'autres moyens de communication électroniques, assurent le maintien et la transmission des clichés d'antan.
Des maisons d'édition qui ouvrent la voie
Malgré cette tendance de la littérature de jeunesse à véhiculer les bonnes mœurs de la société, certains auteurs et éditeurs commencent à combattre cet état de fait, cherchant à susciter une prise de conscience chez les jeunes lecteurs. Ils mettent alors en scène des personnages sortant des rôles traditionnellement assignés à leur sexe, mettant en branle les vieux schémas classiques. C'est le cas de la maison "Talent Hauts" avec sa collection "Fille=garçons". Certains titres renvoient ironiquement à la ségrégation des genres en littérature pour enfant. Ils sont en effet une réactualisation d'ouvrages stéréotypés qui pullulent chez les concurrents : La princesse et le dragon, Une reine trop belle, Blanche et les sept danseurs... La ligne éditoriale ne s’éloigne guère de l’imaginaire de l’enfance : les personnages traditionnels des contes de fées ou d’aventures demeurent. Cependant, il y a bien un déplacement des conventions, puisque la jeune-fille dans bien des cas est l’héroïne de l’histoire ; ce qui a pour conséquence de créer de la nouveauté dans l’attendu, avec un manifeste retournement des codes. Les traits de caractères que sont le courage, la force, la persévérance attribués généralement aux héros garçons sont clairement alloués aux filles. Ainsi peuvent-elles rêver de liberté, se battre en compétition et se salir. Les personnages féminins ne correspondent plus aux normes de socialisation mise en avant dans la littérature de jeunesse en général. Elles se présentent comme des êtres complices, des anti-Martines en somme. Des héroïnes qui imaginent aussi tout ce qu'elles feront une fois adultes. De championnes de football à vétérinaires dans la jungle, de peintres en bâtiments aux looooongs cheveux à chasseuses de dragons, le tout en embrassant les garçons les premières parce qu'il n'y a pas de raison que reviennent aux garçons de faire les premiers pas !
Maud Massot-Pellet
Sources utiles
L’association Adéquations a mis en ligne plusieurs outils, dont un livret sur la littérature jeunesse non sexiste à télécharger gratuitement, avec une bibliographie. L'association "Lab-elle" propose une liste de 300 livres dans la même veine.
http://www.talentshauts.fr